Le présent article fait le point sur l’épidémiologie locale de l’Anaplasma phagocytophilum (A. phagocytophilum), de la Babesia microti (B. microti), et du virus de Powassan (POWV, Flaviviridae), nouvellement désignés à titre de maladies d’intérêt public en Ontario depuis le 1er juillet 2023. Ces trois maladies sont causées par des pathogènes transmis par la piqûre de l’Ixodes scapularis (tique à pattes noires ou tique du chevreuil), qui est également porteuse de la maladie de Lyme. Les co-infections de ces maladies sont possibles, car la tique peut être porteuse de multiples pathogènes. En raison de l’augmentation prévue de l’incidence de ces maladies que l’on peut attribuer aux changements climatiques, les professionnels de la santé devraient être à l’affût de ces risques à transmission vectorielle émergents. Santé publique Ottawa oblige le signalement des cas confirmés ou soupçonnés d’anaplasmose, de babésiose et du virus de Powassan en vertu de la Loi sur la promotion et la protection de la santé. Le présent article fournit des renseignements détaillés sur les thèmes suivants : le survol des maladies, l’épidémiologie locale, les analyses de laboratoires, la prévention, le signalement et les ressources à l’intention des médecins.
Survol de la maladie
L’anaplasmose granulocytaire humaine est une nouvelle infection transmise par la tique et causée par la bactérie A. phagocytophilum. Après une piqûre de tique et une période d’incubation de 5 à 21 jours, la maladie se manifeste par des symptômes aigus de nature non spécifique, comme de la fièvre, des maux de tête, une éruption cutanée (< 10 % des cas), et des malaises. Approximativement 31 % des infections sont suffisamment graves pour nécessiter une hospitalisation. L’anaplasmose peut se transmettre de 12 à 24 heures après que la tique s’est accrochée à l’humain, plus rapidement que la maladie de Lyme (24 à 36 heures).
La babésiose est également une nouvelle infection transmise par la tique et causée par un parasite protozoaire, B. microti. La babésiose se manifeste aussi bien par une infection asymptomatique que par une infection grave mettant la vie en danger. Les symptômes comprennent de la fièvre, des frissons, des sueurs, des maux de tête, des courbatures, une perte d’appétit, des nausées et de la fatigue. La babésiose peut également provoquer une anémie hémolytique qui peut être accompagnée de fatigue, de jaunisse et d’urines foncées, ainsi que d’autres symptômes graves, comme la thrombocytopénie et l’insuffisance rénale.
La maladie du virus de Powassan est une maladie rare qui peut néanmoins être mortelle. C’est aussi une nouvelle infection transmise par la tique. La tique peut transmettre le virus à un hôte mammifère en aussi peu que 15 minutes de fixation. La plupart des humains infectés demeurent asymptomatiques; toutefois, certaines personnes peuvent présenter des symptômes légers à graves, comme de la fièvre, des maux de tête, des nausées, des vomissements, une faiblesse ou des douleurs musculaires et articulaires. Les symptômes peuvent s’accentuer jusqu’à devenir des troubles neurologiques graves, comme la méningite et l’encéphalite.
Épidémiologie locale
Depuis que l’on a commencé à signaler ces infections le 1er juillet 2023 et jusqu’à la fin de 2023, 14 cas d’anaplasmose ont été signalés chez les résidents d’Ottawa (0,82 pour 100 000 habitants). La plupart des cas ont été signalés chez des hommes (12/14), et tous avaient plus de 50 ans (âge moyen de 71,9 ans), souvent avec des comorbidités et une exposition à des tiques à Ottawa et dans les régions avoisinantes (p. ex. Perth). Aucun cas de babésiose ou du virus de Powassan n’a été signalé chez les résidents d’Ottawa.
En revanche, en 2023, 302 cas de la maladie de Lyme ont été signalés chez les résidents d’Ottawa (27,5 pour 100 000 habitants), 59 % chez des hommes dont l’âge moyen était de 54,4 ans. La plupart des cas de la maladie de Lyme ont fait l’objet d’analyses entre juin et septembre, avec une hausse importante en juillet.
La présence de la bactérie A. phagocytophilum chez la tique à pattes noires met en lumière le risque de maladies transmises par la tique. Comme les changements climatiques augmentent l’aire de répartition de la tique, il est important de faire preuve de vigilance en ce qui concerne ces trois maladies, surtout lors d’activités récréatives extérieures (p. ex. camping, séjour au chalet, randonnée, golf) à l’été et à l’automne lorsque la population de l’Ixodes scapularis atteint un sommet à Ottawa et dans les régions avoisinantes. La Carte des zones considérées à risque pour la maladie de Lyme en Ontario peut servir à déterminer les régions où se trouve l’Ixodes scapularis. La Carte du risque d’acquisition de la maladie de Lyme au Québec est également accessible.
Analyses de laboratoire
Le diagnostic de ces trois pathogènes nécessite un indice de suspicion élevé, surtout pour les patients présentant une fièvre inexpliquée à la suite d’un séjour dans une zone où la maladie est endémique, d’un voyage à l’étranger, ou d’une transfusion sanguine.
En ce qui concerne l’anaplasmose, la sérologie est la méthode d’analyse privilégiée; elle nécessite le prélèvement d’échantillons de sang ou de sérum en phase aiguë et de convalescence à intervalle de deux à trois semaines.
La babésiose peut être diagnostiquée par l’identification de B. microti au microscope sur un frottis de sang, de même que par le test de dépistage par PCR, pour lequel les épreuves sont envoyées au Laboratoire national de microbiologie (LNM) de Winnipeg, et qui permet un degré de précision élevé. Les tests sérologiques de détection en phase aiguë et de convalescence, qui sont analysés par le Centre de référence national en parasitologie (CRNP) à Montréal, facilitent le diagnostic, mais l’étude des échantillons peut prendre jusqu’à 30 jours après la réception initiale au laboratoire de Santé publique Ontario.
Le dépistage du virus de Powassan est également effectué par tests sérologiques d’échantillons prélevés à intervalle de deux à trois semaines. Le laboratoire de SPO peut détecter des anticorps spécifiques au moyen de tests d’inhibition de l’hémagglutination utilisés à des fins de sérologie. Les analyses moléculaires, p. ex. RT-PCR, qui ne constitue pas un test de dépistage sensible, peuvent servir à confirmer une infection et pourraient être effectuées par le LNM, avec autorisation préalable.
Pour plus de précisions sur les protocoles d’analyse ou pour obtenir des formulaires, veuillez consulter les ressources de Santé publique Ontario :
- Formulaire de demande d’épreuve en laboratoire : formulaire de demande d’analyse téléchargeable (en anglais seulement)
- Prélèvement d’échantillon : instructions (en anglais seulement)
- Sérologie (Anaplasma phagocytophilum) : Anaplasma (Anaplasma phagocytophilum) – Sérologie | Santé publique Ontario (en anglais seulement)
- Sérologie et PCR (babésiose) : Babésiose – Sérologie | Santé publique Ontario Babésiose – Microscopie et PCR | Santé publique Ontario (en anglais seulement)
- Sérologie et RT-PCR (virus de Powassan) : Virus de Powassan – Sérologie et PCR | Santé publique Ontario (en anglais seulement)
- Renseignements généraux sur le dépistage par SPO des maladies zoonotiques et à transmission vectorielle : Maladies zoonotiques et à transmission vectorielle | Santé publique Ontario
Prévention
Afin d’éviter les piqûres de tiques, les résidents devraient adopter les pratiques suivantes lorsqu’ils se trouvent dans un des habitats des tiques, comme les hautes herbes et les secteurs boisés et où il y a des buissons :
- Appliquer un insectifuge approuvé par Santé Canada contenant du DEET ou de l’icaridine sur la peau exposée et sur les vêtements;
- Porter un pantalon, un chandail à manches longues, des bas et des souliers pour protéger la peau exposée;
- Rentrer le bas de son pantalon dans ses bas;
- Porter des vêtements de couleur claire pour repérer plus facilement les tiques;
- Rester sur les sentiers lors des promenades dans les bois ou dans les herbes hautes, dans la mesure du possible;
- Inspecter toute la surface de la peau (celle des enfants et des animaux domestiques aussi, le cas échéant) pour vérifier la présence de tiques. Les tiques s’accrochent souvent à des endroits comme entre les orteils, derrière les genoux, sur l’aine, sur les aisselles et sur le cuir chevelu.
Signalement à Santé publique Ottawa
Les cas soupçonnés ou confirmés de maladies désignées à titre de maladies d’intérêt public, y compris Anaplasma phagocytophilum (A. phagocytophilum), Babesia microti (B. microti), et le virus de Powassan (POWV, Flaviviridae) doivent être signalés aux bureaux de santé publique locaux le jour ouvrable suivant par téléphone ou par fax, en vertu de la Loi sur la promotion et la protection de la santé.
Composez le 613‑580‑2424, poste 24224, et laissez un message confidentiel détaillé incluant vos coordonnées. Les appels sont retournés pendant les heures normales de bureau, du lundi au vendredi de 8 h 30 à 16 h 30.
Communiquez avec nous par télécopieur au 613‑580‑9640.
Ressources à l’intention des médecins
Pour en savoir plus sur les maladies transmises par les tiques, veuillez consulter les ressources suivantes :
- Maladies transmissibles et conditions à déclaration obligatoire, Santé publique Ottawa : maladie de Lyme, Anaplasma phagocytophilum (A. phagocytophilum), Babesia microti (B. microti) et le virus de Powassan (POWV, Flaviviridae)
- Maladies zoonotiques et à transmission vectorielle, Santé publique Ontario : maladie de Lyme, anaplasmose, babésiose, virus de Powassan
- Sommaire : Les espèces de tiques en Ontario (en anglais seulement), Santé publique Ontario
- Surveillance des tiques Ixodes scapularis et Ixodes pacificus et de leurs agents pathogènes associés, Canada, 2020, Relevé des maladies transmissibles au Canada (RMTC)
- Identification des tiques – Surveillance, Santé publique Ontario (en anglais seulement)
Stephen McCarthy, M.D., Ph. D.
Résident en santé publique et en médecine préventive
Santé publique Ottawa
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